Quel témoignage du passé dans l’avenir de la caserne ?

Un contexte historique : le quartier Carnot/Marceau est profondément marqué jusque dans son architecture par son passé militaire et ouvrier. Mais n’oublions pas que le passé militaire est plutôt un passif lourd à porter avec le terme « limoger » désormais utilisé dans le langage courant.

Éléments factuels

La sauvegarde du patrimoine militaire peut contribuer à la mise en perspective du temps, à la fourniture de repères historiques et territoriaux et au renforcement d’une relation affective de la population avec son patrimoine.

Dans une première enquête en décembre 2019 puis une seconde en décembre 2020, les adhérents et sympathisants du Collectif Marceau se prononçaient à respectivement 72 % et 91 % pour la conservation de l’existant. Il est à noter que c’est en cohérence avec l’avis de l’architecte des Bâtiments de France. Il l’a exprimé en décembre 2015 dans son document de permis de démolir (n° PD 87085 15D0014) indiquant ce qu’il était possible ou non de démolir. Nous avons demandé copie de ce document au service de l’urbanisme et l’attendons, mais nous avons pu le consulter.

Une hérésie financière et écologique

Dans un article de Télérama de novembre 2019, les architectes C. Leconte, E. Thorsen et P. Chemetov titraient « Raser pour reconstruire, une hérésie financière et écologique ». Selon eux, détruire est :

  • un échec social (perte d’appropriation et d’attachement à son quartier),
  • un échec culturel (conséquence de la destruction du patrimoine),
  • et un échec écologique (quantité de déchets et gravats à traiter).

Ils considèrent qu’il faut se dresser contre le « tout béton », restructurer l’existant, réparer la ville, donner un visage à l’ordinaire… le valoriser. Et ça coûte moins cher !

Nos suggestions

Comme les architectes cités ci-dessus, nous voulons valoriser l’existant. Nous pensons essentiel de préserver le patrimoine d’origine en créant un maximum d’espace à vivre dans un esprit de respect, de solidarité et de convivialité. Nous croyons en l’alliance du moderne et de l’ancien, réussite constatée dans nombre de réhabilitation d’anciennes casernes d’autres villes françaises.

L’ancien manège de cavalerie rue Armand Barbès qui intègre des logements.

Pour exemple, il est techniquement possible de conserver les anciennes écuries en leur donnant une vocation culturelle : lieu d’exposition (artistes locaux, muséographie de l’histoire militaire et ouvrière du quartier à destination des écoles, habitants et touristes), d’activités musicales, théâtrales et/ou sportives tout en construisant deux ou trois niveaux de logements au-dessus. Un exemple semblable d’emboîtement existe en continuité immédiate de la caserne avec l’ancien manège de cavalerie rue Armand Barbès qui intègre des logements. Nous savons être en phase avec Renaissance du Vieux Limoges (RVL) sur ce sujet.

L'un des pavillons d'entrée avec le B11 en fond.
L’un des pavillons d’entrée avec le B26 en fond

Fort de ce constat et de l’avis de ses membres, le Collectif Marceau propose que soient conservés, en plus des anciens bâtiments de casernement B25 (tiers-lieu à vocation économie sociale et solidaire et développement durable) et B11 (accueil de la police municipale et de divers services municipaux), les anciennes écuries et le pavillon de l’horloge. Qui plus est que ces bâtiments sont plus significatifs de l’architecture militaire que les seuls B25 et B11.

Dans cet objectif, nous souhaitons que le promoteur immobilier choisi pour la construction de logements soit contraint par un cahier des charges garantissant la préservation de ce patrimoine, trace de son histoire et propriété de la ville et de ses habitants. Pour autant, nous ne sommes pas certains que les habitants de Limoges se reconnaissent dans le passé militaire, peut-être simplement par méconnaissance de leur histoire.

L’entrée de la caserne Marceau avec ses deux pavillons

Par ailleurs, qu’en est-il des ouvertures dans le mur d’enceinte et sur la rue Armand Barbès, tout en conservant les deux pavillons d’entrée ? Comment est garantie la perspective avenue de Turenne/Chinchauvaud ? Que devient la place Marceau (recherche d’équilibre entre besoin de stationnements, développement des mobilités douces et végétalisation du site) ?

Enfin, comment trouver l’équilibre entre deux extrêmes, un lieu clos qui favorise la gentrification, et un espace pratique de traversée entre la gare et Carnot ? La solution passerait-elle seulement par une voie douce, pour piétons et vélo, et une voie d’entrées /sorties pour les seuls résidents motorisés ?

Rencontre avec la CCI du 12 mai 2021

Le mercredi 12 mai 2021, la rencontre avec les responsables de la chambre de commerce et d’industrie, Pierre Massy, président depuis novembre 2016 et Jean-Claude Martins-Aires, directeur général clôt notre cycle d’entretiens avec les personnes clés du projet Marceau. Écoute respectueuse, souci de transparence sont au menu du jour, permettant ainsi une information détaillée et précise.

Un peu d’histoire récente

La  situation des structures de formation liées à la CCI pose plusieurs questions :

  • d’abord par la dispersion, entre l’école d’ingénieurs 3IL, rue Sainte-Anne rive gauche et deux autres écoles en zone nord, rue Lebon,
  • ensuite par l’inadaptation des locaux, aucun amphi dans ces deux sites, (celui de la place Jourdan, siège de la CCI, dépanne), des espaces trop cloisonnés, une certaine vétusté, malgré une acquisition récente de Lebon, en 2013.
  • des places à gagner dans la compétition entre les écoles : le titre d’ingénieur de 3IL est soumis à validation périodique par la commission du titre d’ingénieur (CTI). Ce positionnement est également présent dans l’esprit des étudiants et des enseignants par les classements opérés par différents structures et médias. Ces classements sont fortement intégrés par les étudiants dès la fin des études secondaires, et la hiérarchie se manifeste bien avant l’intégration des écoles, par l’inscription selon des groupes de concours communs.

La CCI est ainsi dans un contexte où il faut gagner des « parts d’attractivité » et monter « en gamme » dans la hiérarchie des réputations.

En 2019, le directeur général de la CCI, Jean-Claude Martins – Aires, a l’idée d’un regroupement et d’une installation des cinq écoles de la CCI sur l’espace caserne de Marceau. Le projet n’apparaît pas lors des portes ouvertes et des réunions participatives municipales de juin-juillet 2019. Il est révélé en décembre 2019, par le Maire, qui s’y montre très favorable.

Les écoles

3IL,  école d’ingénieur  (Institut d’ingénierie informatique de Limoges)

Directrice Dominique Baillargat, professeure en fac de sciences) est gérée par une association en lien avec la CCI. Plus de 500 étudiant-e-s principalement d’origine locale et régionale, avec également des recrutements internationaux (Cameroun). 40 % d’entre eux sont en alternance et les femmes représentent 15 % de l’effectif. A Rodez, existe une formation de même type, sous la même « enseigne », avec laquelle 3IL est partenaire.

La CCI de Limoges et de la Haute-Vienne gère par ailleurs directement, comme des services de la chambre consulaire, des écoles professionnelles supérieures ouvertes aux jeunes, aux salariés en formation continue, VAE, alternance, à temps plein ou à temps partiel.

Il s’agit notamment de :

L’ESCS, école supérieure de commerce et des services

Gestionnaire d’unité commerciale option distribution / activités bancaires / conseiller assistance client / assistant(e) commercial(e) / manager de la distribution  au recrutement principalement régional

L’ISIH, institut supérieur de l’immobilier et de l’habitat

Négociateur gestionnaire immobilier, Management et Promotion de Patrimoine Immobilier : le recrutement est plus large que les originaires de la seule région, compte tenu de la réputation de la formation. Implantée rue Lebon, comme l’ESCS, elles forment le « campus consulaire » et accueillent au total 300 étudiants, dont plus des deux tiers en alternance.

L’ISFOGEP, institut supérieur de formation à la gestion du personnel

Formations d’un an en gestion du personnel et ressources humaines. Promotion d’environ 80 étudiants.

L’ESSEL, école supérieure de la sécurité et de l’environnement

Animateurs et coordinateurs de sécurité et de prévention des risques professionnels et environnementaux. Promotion de 20 à 25 étudiants.

En somme, le projet de transfert concerne deux sites et cinq écoles pour un total d’environ 1 000 étudiants dont 400 en alternance ou stage de longue durée. Ces étudiants alternants sont hors Limoges deux jours au moins en moyenne par semaine. L’effectif total est appelé à se développer selon nos interlocuteurs. Il leur faut donc envisager ce développement à moyen et long terme à partir de la situation d’aujourd’hui et concevoir les structures d’accueil avec cette perspective en tête.

L’installation à Marceau doit répondre à trois vœux :

  • Regroupement et montée qualitative, d’un côté
  • Meilleure image et attractivité, de l’autre
  • Recentrement – intégration des étudiants et des formations au cœur de la ville–centre, enfin.

Premières démarches

La CCI s’engage dans l’analyse de ses besoins, puis décide de demander à une agence d’architectes travaillant déjà pour la Ville, au titre de « Marceau réinventé », Cap Urbain (Nantes), de présenter des esquisses des futurs bâtiments de formation.Deux projets sont présentés :

  • Premier projet : trois bâtiments indépendants reliés par des passerelles côté rue d’Argenton. N’étant pas convaincant pour nos interlocuteurs, ce projet est retoqué.
  • Second projet : la fameuse arche, qui laisse libre la perspective Garibaldi – Bâtiment de l’Horloge, mais se révèle trop coûteuse eu égard à l’enveloppe de la CCI (stabilisée autour de 20 millions euros). A son tour, elle est abandonnée.

En retour, la CCI reçoit de l’Architecte des Bâtiments de France trois impératifs à respecter dans les constructions à venir: 

  1. Conserver la perspective Avenue Garibaldi – Bâtiment de l’horloge. Faire qu’elle reste dégagée, visible et « lisible » aux regards.
  2. Ne pas dépasser la hauteur des B24 et B25.
  3. Aligner strictement les nouvelles constructions sur les façades B. 24 et B. 25 sans aucun débord sur le mail.

La CCI se concentre désormais sur la faisabilité financière du projet, au cours d’études qui se poursuivent à ce jour et impliquent notamment la Caisse des Dépôts et des Consignations, le programme gouvernemental « Cœur de ville », les crédits de la relance et les dispositifs Denormandie. Elle intègre également le réemploi des produits de la vente de la rue Lebon (coût de l’achat + premiers aménagements = autour de 2,9 millions d’euros en 2013).

Calendrier

Quant au calendrier, il est actuellement marqué / arrêté par les élections  régionales  et départementales de juin 2021 : mécaniquement (et idéologiquement) on le sait, ces dernières réorientent les intérêts de nos élus. En outre viendront quelques mois après, à l’automne, celles de la Chambre consulaire elle-même.

  • Premier temps : un rendu des experts financiers, attendu pour le mois de novembre
  • Second temps : l’entrée en lice de cabinets d’urbanisme et d’architecte, des ingénieurs et, à la suite, de la valse des promoteurs immobiliers
  • troisième temps : un démarrage des travaux et du chantier, sans doute en 2025.

Pour finir, nous soulignons trois points :

  • Outre la formation proprement dite, qu’en sera-t-il de l’aspect para-universitaire ou péri-universitaire, cette installation une fois décidée, à savoir : un Centre documentaire, un foyer étudiant, un Restau U… ?
    Pour nos interlocuteurs, le Centre documentaire est indispensable ! Le Foyer sans doute aussi ! Mais le RestauU, non ! Le quartier offre ce qu’il faut dans ce domaine : « les jeunes sont aujourd’hui autonomes, ils ont leur propre véhicule, ils savent s’organiser ! Le quartier abonde en lieux de restauration ».
  • L’apport de ce projet au plan urbain « Marceau réinventé » est que la formation post-bac devient un marqueur essentiel de la réhabilitation de la caserne. A côté des logements, des maisons-jardins et du parking-silo qui y seront construits, le projet de la CCI offre la possibilité (peut-être la probabilité) d’autres usages qualitatifs de l’espace : les modes d’interaction avec le quartier ne devront pas se cantonner aux seuls rapports de voisinage, mais, soutenus par les activités du Tiers-Lieu et des cinq écoles CCI, ils devront s’ouvrir en même temps à la culture, à l’étude, aux services à la personne, aux loisirs collectifs, peut-être aux rencontres festives collectives…
    Ne doit-on pas se réjouir de cet investissement au service de la formation et de sa traduction en termes d’aménagement du territoire urbain, et même national ?
  • Enfin, la consultation faite par notre association auprès de nos inscrits  (fin 2020 – début 2021) confirme l’adhésion à cette direction, et, sans doute, son bien-fondé. D’elle, en effet, se dégage nettement l’a priori favorable  à la présence « studieuse » d’étudiants dans la caserne et à leur vie dans le quartier (66 % d’opinions favorables).

Rendez-vous à la mairie du 23 mars 2021

Lundi 23 mars, à notre demande, une délégation de notre collectif a rencontré monsieur le maire de Limoges, les adjoints chargés des problèmes urbains et les représentants des services de l’urbanisme, au sujet de l’évolution du projet Marceau réinventé. Après un exposé du maire, nos questions ont porté sur deux aspects : rénovation et / ou réhabilitation de la caserne et mutations à venir du quartier Marceau-Carnot.

A. La caserne

Ce qui doit être construit, ce sont deux bâtiments pour les écoles de la CCI ainsi que leur amphithéâtre (autour de 800 étudiants dont une part importante est en alternance). La construction d’une arche n’est plus à l’ordre du jour. Le plan d’aménagement est conditionné par le bouclage – prévu pour juin – des études de faisabilité menées par la CCI.

Ce qui doit être détruit : les anciennes écuries et le bâtiment à l’arrière de l’horloge, à l’exception de sa façade qui, à la demande de l’association Renaissance du Vieux Limoges et de l’ABF, sera conservée « pour retrouver l’ancienne perspective avec l’avenue Garibaldi ». Sur l’espace laissé vide par ces destructions, des logements « hauts de gamme » seront construits. Leur nombre s’établit aujourd’hui autour de 270.

Ce qui est en cours : les travaux préalables de désamiantage du B25 en vue de l’installation du tiers-lieu. Ce premier chantier est moins coûteux que prévu, environ 45 000 € sur les 700 000 € annoncés de l’État et de la collectivité.

Ce qui est conservé : le B24. Il continuera à abriter la police municipale, ainsi que, dans les étages supérieurs, les services de la supervision.

B. Le quartier

Le maire envisage un déplacement de la partie alimentaire du marché dans la caserne. Question en suspens : comment cette nouvelle installation sera-t-elle possible une fois les deux bâtiments de la CCI construits ?

Au sujet de la création du BHNS (18 m de long), le maire considère qu’il faut revoir le projet à la baisse en raison de son coût exorbitant pour la collectivité. La ligne « orange » nord–sud serait la première réalisée. La ligne « bleue » est–ouest, cadencée ensuite, fonctionnerait pour un temps en mode « trolley amélioré ». Le maire en attend une fréquentation accrue d’usagers. Tous les bus seront équipés de caméra en vue de « lutter contre les incivilités ».

Le quartier Marceau-Carnot est déjà en opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH). Le fait d’activer ce plan permettra que « l’on en finisse avec l’habitat indign e». Sans donner de précision sur les rues concernées et sur son calendrier, le maire ajoute : « s’il le faut, on forcera la main aux propriétaires ».

La volonté de la municipalité est que le futur éco-quartier prenne forme : production propre d’électricité, modalités de récupération de l’eau (de pluie…), création de jardins partagés, verdissement des places à vivre, développement des pistes cyclables… Toutefois, la rencontre n’a pas apporté de nouvelles informations sur l’organisation du stationnement, sur le parking-silo et sur le passage vers la rue du Chinchauvaud. Enfin demeurent des incertitudes sur l’opération architecturale du projet, sur sa faisabilité opérationnelle et sur son agenda. En conclusion, le maire s’est félicité de voir se concrétiser notre partenariat.

Quelques informations sur nos activités associatives en cours :

  • une enquête sur les deux écoles Léon Berland et sur leurs initiatives pédagogiques ;
  • une consultation de l’état du marché immobilier auprès des Agences bancaires du quartier ;
  • la préparation de quatre ateliers : le premier sur les transports et la circulation, le second sur l’habitat et le logement, le troisième sur la mixité sociale, le dernier sur le futur écoquartier. Nous vous en donnerons les dates en fonction de l’évolution de la pandémie ;
  • le projet – à court ou à moyen terme selon la situation – d’une animation festive-artistique en week-end, dans la caserne.

Vos souhaits pour le projet de réhabilitation du quartier et de la caserne Marceau

Octobre / novembre 2020

Après déjà un an d’existence, le Collectif Marceau grandit et rassemble désormais plus de 180 inscrits, ainsi que 400 abonnés sur les réseaux sociaux.

La suite de notre première enquête

Si nous avions déjà réalisé une enquête en décembre 2019 sur la manière dont nos membres appréhendent les différents éléments du projet « Marceau réinventé » dont la première version venait d’être présentée par la ville de Limoges, il nous a semblé important de nous adresser de nouveau à nos contacts, membres de la première heure comme nouveaux sympathisants.

En effet, non seulement le projet « Marceau réinventé » a depuis quelque peu évolué, mais nos nombreux contacts réalisés lors d’ateliers et lors de notre présence au forum des associations en septembre 2020 nous ont permis de recueillir de notre côté des souhaits, propositions, idées dont les résidents ou usagers du quartier Carnot-Marceau nous ont fait part.

Recueillir les envies

L’un des principaux objectifs du Collectif Marceau étant de collecter les souhaits du plus grand nombre pour que le projet qui verra le jour soit réalisé AVEC la population et que celle-ci puisse se l’approprier, c’est donc tout naturellement que nous nous sommes adressés une nouvelle fois à nos membres, dans une enquête réalisée en trois parties : votre avis sur le projet Marceau réinventé, le patrimoine / l’architecture / la végétalisation et la vie sociale / les activités, ainsi que deux séries de questions liées à l’opinion des répondants sur leurs quartier et à la typologie de ces répondants.

Cette enquête, administrée en ligne du 21 octobre au 7 novembre 2020 auprès des membres du Collectif Marceau, a recueilli 94 réponses. Nous allons vous livrer résultats et analyse dans la présentation qui suit.