Incivilités et trafics fragilisent le vivre-ensemble

La situation et l’environnement se dégradent fortement

Mise à jour (15 février 2022) : aux dernières nouvelles, l’immeuble où se trouvait le squat est désormais en vente aux enchères le 28 mars 2022. 

L’une des problématiques de notre quartier est la montée des incivilités et du trafic de drogue qui nuisent à l’image de Carnot-Marceau et posent question quant à l’évolution du projet global : à quoi bon une caserne rénovée avec des logements tranquilles si, autour du site, un climat paisible n’est pas rétabli ? Alerté depuis plusieurs mois, le Collectif Marceau exprime son inquiétude sur la situation du triangle Leclerc-Hoche-Gouffier de L​​astours. En responsabilité, il choisit de publier ces témoignages éloquents, recueillis en novembre 2021.

Témoignages

« Depuis mi 2019, la situation et l’environnement se dégradent fortement. Une vingtaine de trafiquants s’approprient le jour le début de la rue Gouffier de Lastours, alors que la nuit un trafic de stupéfiants et de cigarettes à l’unité a lieu devant la Poste, l’école Léon-Berland et le haut de la rue Hoche. Nous faisons face à des bagarres régulières entre dealers et consommateurs, parfois avec armes blanches. A plusieurs reprises, des véhicules ont été endommagés… »

Les habitants du quartier se sont rapprochés les uns des autres pour échanger sur ces nuisances. Ils ont appris qu’un immeuble du quartier « comportant plusieurs appartements, appartenant à plusieurs propriétaires, était en vente. Le dernier étage est investi par des squatteurs, d’abord au nombre de cinq, puis de plus d’une dizaine, identifiés par le voisinage comme responsables du trafic de stupéfiants, des bagarres et du tapage nocturne devenu plus que régulier. L’immeuble n’est occupé que par les squatteurs, les locataires ayant fui leurs logements du fait de l’insécurité et de la dégradation extrême des parties communes.

Des conséquences en cascade

Dans une copropriété voisine, « un propriétaire s’est vu dans l’obligation de barricader son appartement. Il a mis en vente son appartement situé au rez-de-chaussée, après deux tentatives d’intrusion. La copropriété de l’immeuble a dû régler à deux reprises la réparation de son portail forcé par ces mêmes personnes. Une dame âgée vivant au rez-de-chaussée trouve régulièrement des déchets sur son balcon, ainsi que des seringues. Nous déplorons le fait que les forces de l’ordre se déplacent de moins en moins, malgré des appels pour tapage nocturne plus que réguliers. Rappelons que ce secteur se situe à moins de 500 mètres des locaux de la police municipale et à moins d’un kilomètre du Commissariat de Police. Une école maternelle et élémentaire est aussi à proximité. »

Vendredi 26 novembre, une porte blindée a été installée à l’entrée de l’immeuble occupé. Aujourd’hui le squat, en tant que tel n’existe plus. Le quartier, ses résidents ont retrouvé une forme appréciée et encourageante de tranquilité, de sérénité. Mais on ne peut s’arrêter à cette seule fermeture. De jour, les incivilités se poursuivent. Des squatteurs délogés ne vont-ils pas simplement se déplacer vers d’autres logements à occuper ? Il est impératif de s’attaquer à l’appel d’air que constituent les logements vacants, peu chers, insalubres, qui font le lit des marchands de sommeil ou offrent des opportunités de squat.

Des questions en suspens

À la rue désormais, ce sont plusieurs questions de logement, de nourriture, d’hygiène, de police et de justice (faits délictueux, titres de séjour sur le territoire français) qui continuent de se poser. Sur ce dernier point, hors législation sur le droit d’asile, deux solutions peuvent être proposées. La première voie d’obtention d’un titre est le travail. Il faut être en France depuis 5 ans et avoir travaillé au moins 8 mois. Condition ubuesque si l’on considère qu’un employeur se met dans l’illégalité s’il emploie un sans-papier (sauf à passer par un document de promesse d’embauche, procédure acceptée par l’administration) ! La seconde possibilité est celle de la vie privée ou familiale. S’ils vivent en France depuis 5 ans et qu’ils ont un enfant scolarisé depuis 3 ans, les immigrés sans papiers peuvent obtenir un titre de séjour. Le cadre juridique est ainsi défini. Mais le droit des étrangers est une matière humaine que l’on se doit d’aborder avec bienveillance.

L’échelon d’un quartier, avec l’appui des associations concernées, est un bon niveau pour accueillir, comprendre, informer et soutenir les femmes et les hommes qui vivent ces situations. Peut-être est-ce aussi un moyen parmi d’autres de faire baisser le nombre des incivilités du quotidien et de favoriser le mieux vivre-ensemble avec une mixité assumée et apaisée !

Tenter de comprendre à l’aide des enquêtes et statistiques

Celles-ci décrivent des phénomènes bien présents à Limoges, sous deux aspects :

  • d’une part ces actes d’incivilités sont le fait d’un petit groupe d’hommes jeunes, voire de plus en plus jeunes et mineurs, impliqués souvent dans une hyperactivité et une multi-activité délinquantes (violence, trafics divers, voire prostitution…)
  • d’autre part, ces actes d’incivilités créent une situation d’insécurité, pas un simple sentiment mais une réelle situation de danger. Cette situation se double et se nourrit d’une méfiance grandissante des citoyens envers la police et la justice, dans un univers marqué également par la dégradation des services publics. (cf. enquête IFOP mai 2021, 22 % de confiance en l’institution judiciaire et 63 % de défiance).

Les données statistiques sur le périmètre de police de Limoges, mais aussi à l’échelle néo-aquitaine, de la France dans l’Europe éclairent notre situation. La fréquence des actes délictueux est de 75 pour 1 000 sur la zone de police de Bordeaux contre 56 pour1 000 à Poitiers et 42 pour 1 000 à Limoges. Globalement, la situation de Limoges (2ème ville de la région) est moins critique que celle de Bordeaux ou de Poitiers.Pour les deuxième et troisième villes de la région, vols et dégradations ainsi que violences aux personnes représentent les trois quarts des actes constatés.

Crimes et délits 2020FranceBordeauxLimogesPoitiers
Nombre de cas = base51 5937 4086 856
Nombre de cas pour 1 000 hab.44,9574,8841,8855,77
– dont violences aux personnes10,6412,939,2212,85
– dont vols et dégradation23,7350,9621,428,55
– dont délinquances économiques5,996,56,828,53
– dont autres crimes et délits4,614,534,435,85
Sous total violences gratuites et menaces7,667,637,089,22
Sous total escroqueries et contrefaçons5,936,376,818,53
Sous total trafic, revente et usages de drogue21,892,863,74
Source : selon linternaute.com d’après ONDRP (observatoire national de la délinquance et des réponses pénales)

Une justice française mal dotée

Les statistiques européennes montrent une position dégradée de la France : quand la Suisse est à 219 € de dépenses pour services judiciaires par an et par habitant, la France est à 64 €, pour 146 € en Allemagne.  (Jean-Charles Asselain, Université de Bordeaux). La signature massive de la tribune des magistrats (publiée par Le Monde, qui a réuni 5 500 juges et greffiers en moins d’une semaine) donne l’ampleur de la crise.

Mais comment agir à l’échelle d’un quartier ?

Incivilités et trafics empoisonnent la vie quotidienne et rendent plus complexe la construction du vivre ensemble. Notre ville et plus particulièrement notre quartier n’y échappent pas. Le maire est un acteur parmi d’autres (forces de sécurité nationales, justice, actions éducatives et sociales…). Il concourt par son pouvoir de police (pouvoir renforcé par la loi «Engagement et proximité » du 27 décembre 2019)  à l’exercice des missions de sécurité publique et de prévention de la délinquance. En tant qu’élu local, il est le mieux placé pour concevoir en coordination, la réponse la plus appropriée à des situations problématiques bien identifiées à l’échelle micro locale. Il pilote l’activité de la police municipale, dont l’effectif se rapproche désormais à Limoges de la centaine d’agents, et du centre de vidéosurveillance.

Sans probablement le savoir, les riverains, les propriétaires, les résidents du triangle ont adopté dans leur situation, comme Mr Jourdain la prose, la recommandation du Ministère de l’intérieur : la mise en place de « solidarités de voisinage »… A ce titre, le dispositif de « participation citoyenne » (5 600 communes) consiste à associer les élus et la population d’un quartier ou d’une commune à la sécurité de leur propre environnement, dans un dispositif partenarial encadré par la gendarmerie ou la police. Concrètement, les habitants concernés sont incités à adopter une attitude vigilante et à informer les forces de sécurité intérieure des divers troubles à l’ordre et à la tranquillité publique. Mais il faut penser des limites à une telle substitution de compétence ; le risque est de passer de la notion de vigilance, de l’attention aux autres, à la société de surveillance.

En proportion de la gêne occasionnée, les efforts déployés par les riverains semblent vains. Comment décrire et tenter de comprendre, informer sur cette situation avec esprit de responsabilité quand les autorités publiques elles-mêmes décrivent des situations d’impuissance ? Donc sur quelles dispositions légales et réglementaires s’appuyer pour traiter les questions de squat, violence, tapage nocturne ?

En effet, l’approche de ces questions ne se joue pas sur la seule réhabilitation d’une caserne, îlot illusoire de tranquillité, dissociée du quartier qui l’héberge.