La caserne Marceau aura-t-elle une dimension culturelle ?
La dimension culturelle d’un quartier, c’est à la fois la valorisation de son patrimoine ancien et moderne, le vécu social de ses habitants (on parlera alors de cultures au pluriel) et aussi la création artistique contemporaine.
Pour le collectif Marceau, la culture, qui nourrit l’imaginaire et l’intelligence est indispensable à la démocratie. Elle contribue aussi grandement à la construction d’un véritable lieu de vie public. Certes la dimension culturelle s’exprime dans différents espaces de la Ville de Limoges mais Carnot/Marceau est plutôt dépourvu en équipements. Bref, est-il envisageable de corriger cette situation pour satisfaire les attentes des habitants et contribuer à l’attractivité du quartier ?
Le projet initial Marceau réinventé présenté par la mairie en juin 2019 fait la part belle à la dimension immobilière, au possible regroupement sur le site des écoles de la CCI, au B25, le tiers-lieu axé sur la création d’espaces collaboratifs, tout en maintenant dans un bâtiment dédié, la police municipale, le centre de supervision urbain, et divers autres services municipaux.
L’oubliée du projet
Dans ce cadre, la possible dimension culturelle du projet n’est pas évoquée. Ainsi, dans la brochure Carnet de balade remise aux publics intéressés, à aucun moment le mot culture n’est cité.
Pour autant, des actions à dimension culturelle sont menées dans la caserne, avec succès. Il en est ainsi du forum des associations (entre 2015 et 2019) et du chapiteau des Zébrures d’automne (Les Francophonies en 2019, 2020 et 2021). Avec un retour d’expériences sur l’usage de l’espace en plein air ou abrité (écuries et Pavillon de l’Horloge).
La phase des ateliers participatifs conduits par la ville, avec l’objectif « d’alimenter le travail de la Ville de Limoges par l’expertise d’usages des habitants » allait avec force exprimer des attentes.
Dans plusieurs champs de l’activité artistique et culturelle, des espoirs se font alors jour : des groupes musicaux, de compagnies de danse, de théâtre, du jeune public, amateur ou professionnel, aussi des acteurs des arts plastiques ou du patrimoine cinématographique réfléchissent à des projets plus ou moins aboutis.
Pourtant dans le même temps, le forum des associations quitte la caserne en 2020 et les Zébrures d’automne sont invités à rechercher un autre site après l’édition 2021.
Les suggestions mises en débat par le collectif Marceau :
1/ Pour l’évènementiel culturel dans la caserne, le forum des associations et les Zébrures d’automne se sont révélés des expériences positives. Les retours d’utilisation des bâtiments sont favorables. Or ces bâtiments, écuries et pavillon de l’horloge seraient destinés à la destruction (à l’exception de la façade de l’horloge). Notre suggestion serait d’orienter ces bâtiments dans une destination permanente culturelle, dans une perspective de développement des publics adultes ou scolaires (coopération privilégiée avec l’école Léon Berland et le collège Maupassant).
2/ Les bâtiments dits des écuries pourraient fonctionner sous forme d’un espace mutualisé à destination des compagnies et des groupes, principalement du spectacle vivant, professionnels et amateurs. Cela devrait permettre le travail (répétitions et représentation/concert) d’au moins deux groupes en même temps. La configuration à rechercher consisterait en deux plateaux comportant équipement de base en son et lumière, loges et dégagements. Les hangars non utilisés dans ce cadre pourraient être dédiés à des disciplines sportives ou de loisirs (arts martiaux, Qi Gong, Tai chi chuan, sports de raquettes intérieurs), en tenant compte de leurs spécificités, par exemple en termes de revêtement…)
3/ Le Pavillon de l’horloge aurait vocation à accueillir un établissement culturel, centré sur un thème ou objet unique, identifié ou aisément identifiable et susceptible de contribuer de façon significative à l’identité et à la renommée de la caserne et de la Ville. Potentiellement orientée sur des champs artistiques autres que le spectacle vivant, cette structure culturelle ne s’interdirait pas pour autant des coopérations avec d‘autres partenaires du site, ou du vaste monde.
4/ Un espace ouvert, dégagé en plein air compléterait ce dispositif de façon à accueillir des activités diverses : terrain de jeux pour enfants, panneau de basket, spectacle de rue, ciné-concert, implantation temporaire de chapiteau…
5/ Le marché, par excellence expression des cultures et de la mixité sociale (avec les Halles Carnot, la Poste, Emmaüs et l’école Léon-Berland) constitue un point central du bien-vivre ensemble. L’alimentation est affaire d’échanges, entre vendeurs /producteurs et acheteurs, entre acheteurs eux-mêmes sur leurs découvertes et autres bons plans. L’ambiance du marché contribue pour une grande part à l’atmosphère du quartier. En liaison avec les trois associations de commerçants (alimentaire bio, alimentaire et non alimentaire) des études et expériences peuvent être menées avec les services de la ville.
Les atouts actuels : expression par excellence des circuits courts, développement du cuisiner/préparer/consommer sur place, diversité des cuisines du monde peuvent enrichir la réflexion ; des tests pourraient être conduits sur le positionnement du marché dans l’espace et le temps, les possibilités du déjeuner du samedi sur place, l’innovation culinaire, par la coopération en cuisine de chefs exprimant par leurs ingrédients et leurs recettes, des revisites culinaires… Ne pas oublier aussi la mise en valeur de la gastronomie à partir des produits phare de la région, présents sur le marché mais manquant de visibilité.
Ne pourrait-on pas lancer l’idée d’une sorte d’éco-musée de la chaussure, par exemple, ou plutôt de façon plus dynamique « Naissance et renaissance de la chaussure à Limoges » ou « Tradition et modernité de la chaussure à Limoges » ? Comme cela est évoqué par ailleurs, ce quartier était industriel. Il y avait en particulier une importante industrie de la chaussure : les usines Heyraud, avenue Garibaldi mais aussi une importante unité de fabrication Rue Hoche (en face du magasin Bio), et peut-être d’autres encore (voir Renaissance du Vieux Limoges).
Le meilleur moyen de conserver un édifice, c’est de lui trouver une destination.
Eugène Viollet-le-Duc,
Dictionnaire raisonné de l’architecture française,
du XIe au XVIe siècle, 1854-1868.